Le maillechort à l’essai
Les alliages de métaux furent fréquemment utilisés “au naturel” dès l’antiquité.
Ainsi en va-t-il du maillechort !
En effet, on trouve déjà trace d’un alliage chinois composé de cupro-nickel et de zinc dès le IVème siècle en Chine. Alliage appelé packfong ou pacfung, il est notamment très utilisé en orfèvrerie.
L’usage de ce type d’alliage en numismatique est quant à lui plus tardif.
En effet, en Occident, cet usage suit en toute logique la découverte du processus d’isolation du nickel réalisée par Axel Fredrick Cronsted en 1751. A partir de là, il devient alors possible de créer des alliages précis, non dépendants de minerais à la composition incertaine et inégale.
Au début du XIXème siècle, ce sont des métallurgistes français de la ville de Lyon qui mettent au point un nouvel alliage composé de cuivre, de zinc et de nickel. Ces derniers se nomment Maillot et Choriet et, en français tout du moins, leurs noms resteront attachés à leur création : le maillechort est né.
La formule consacrée du maillechort
Le maillechort se doit d’être composé a minima de 5% de nickel, 20% de zinc et 45% de cuivre.
Il prend même parfois un peu de plomb dans la cervelle.
Cet alliage cuivre-nickel-zinc possède de nombreuses qualités telles que la résistance à la corrosion et la dureté. Il est peu oxydable et son aspect rappelle indubitablement celui de l’argent, tout en étant fort moins coûteux. Il est également non magnétique.
Petit précis d’usage
Son usage est assez large et on le retrouve aussi bien dans la vaisselle que dans les vis, les instruments de musique, les montres, les calandres des Rolls-Royce, les fermetures éclairs ou encore certains mors pour les chevaux.
Il connaît également un certain succès dans le domaine qui nous occupe ici : la numismatique.
Le maillechort à l’essai…
Quant aux monnaies, donc, son usage connaît plusieurs phases et il est bien entendu que les essais font partie de la première.
Une trentaine d’années après la “création” du maillechort, en 1856, c’est l’empereur français Napoléon III qui ouvre le bal avec un tout premier essai sur une pièce de 5 centimes.
Monnaie France
Essai module de 5 centimes, 1856, ESSAI, TB+, Zinc Copper
… Premier essai d’une longue série
De nombreuses monnaies d’essai sont ensuite produites en France.
Parmi les remarquables, on appréciera notamment celles-ci :
En 1860, cet essai de 10 centimes… en maillechort, sur lequel on trouve opportunément (ou non) inscrit à l’avers “Essai des monnaies en nickel”.
Monnaie France
Napoleon III, 10 Centimes, 1860, Paris, ESSAI, SPL, Maillechort
En 1881, l’empire n’est plus, la République reste, de même qu’un très joli essai par Dupré sur un module de 10 centimes à douze pans, avec une frappe sur flan bruni.
En 1887, c’est Merley qui s’y colle, toujours pour 10 centimes l’essai, avec une Cérès peu accorte et un revers épuré.
Monnaie France
Merley, 10 Centimes, 1887, Paris, ESSAI, FDC, Maillechort
1889, enfin, avec le fantasque Théodore Michelin qui est à la création de manière tout à fait officieuse. Ce monsieur fait en effet, de manière privée, campagne pour la monnaie en nickel. Il ne pouvait donc esquiver le maillechort dans la longue liste de ses essais divers et variés.
En vérité, il est à quelques années de voir ses vœux se réaliser.
Et pour conclure cette série d’essais sélectionnés, cette très jolie “monnaie inaltérable”, essai d’un module de 20 francs de 1896 dont le nom quelque peu fanfaron ne gâche pas l’indéniable prestance.
France 20 Francs
Monnaie Inaltérable E.H.F, 1896, Paris, Essai, Maillechort
Le maillechort de main en main
Les mises en circulation, elles, se font essentiellement au cours du XXème siècle et l’usage du maillechort est assez largement répandu à travers le monde. On citera entre autres la France, l’Autriche, la Bulgarie, les Philippines ou encore la Russie .
Au XXIème siècle, il est encore utilisé au Kazahkstan, en Corée du Sud, au Pérou, en Serbie, en Turquie ou encore au Mexique avec sa monnaie bimétallique de 10 pesos.
Illustrations:
- "Bethlehem Steel works" par Joseph Pennell (Mai 1881) (Domaine public)
- "The old china shop" par Ralph Hedley (1877) (Domaine public)
- "L'ancien quartier de la Pêcherie à Lyon" par Jean-Michel Grobon (XIXème siècle) (Domaine public)
- Rolls-Royce, The Best Car in the World in The Sketch, 1929 (Domaine public)
- "Portrait équestre de Napoléon III, empereur des Français" par Charles-Édouard Boutibonne (1856) (Domaine public)
Sources:
- https://fr.wiktionary.org/wiki/parkfong
- https://www.metal-rolling-services.fr/maillechort
- https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/maillechort/48673
- https://www.etna-mint.fr/index.php?page=maillechort
- https://journals.openedition.org/artefact/1996?lang=en
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Maillechort