Les billets en polymère
L’histoire du billet est fort longue, bien plus qu’on ne pourrait le penser de prime abord, et la matière qui le constitue n’a jamais cessé d’évoluer au fil du temps.
La contrefaçon, c’est coton
Le billet fut d’abord du papier monnaie.
Pour les chinois, le papier était fabriqué à partir d’écorce de mûrier et de rotin au VIème siècle. Les assignats français, eux, firent l’objet de grandes discussions à l’Assemblée afin d’arbitrer entre le papier de soie et le vélin, notamment en raison d’un numéro d’équilibriste destiné à allier résistance à l’usure et difficulté de contrefaçon.
Il faut dire qu’à l’époque, on manquait de technologies pour produire filigranes et autres effet holographiques.
De nos jours, contrairement à une idée reçue, les billets en papier ne sont plus si fréquents.
Les billets en euros sont constitués de fibres de coton. Les billets verts également, mais les Etats-Unis ajoutent du lin à la recette. Recette complète toutefois jalousement gardée secrète pour des raisons bien compréhensibles de sécurité.
Mais il existe également d’autres états qui sont allés encore plus loin et ont pris une direction audacieuse et assumée quant à la conception de leurs billets de banque.
Le plastique c’est fantastique
Et le pays pionnier en la matière (c’est le cas de le dire), c’est l’Australie.
Histoire de billets plastifiés
Le 14 février 1966, l’Australie quitte la livre et déclare sa flamme au système décimal en dollars australiens. Des billets flambants neufs et à la pointe de la technologie quant aux systèmes de sécurité sont mis en circulation.
La même année, le 30 décembre, la police aidée d’Interpol démantèle un trafic de faux billets de 10 dollars. 150 000 dollars australiens en faux billets sont saisis. Autant pour les techniques de sécurité de pointe.
L’Histoire a parfois le sens de l’humour.
Devinez qui figure à l'avers de ce billet ?
Francis Greenway, un architecte britannique, certes. Mais surtout... Je vous le donne en dix...
...Un faussaire condamné par la justice. Probablement le seul et unique faussaire dont le portrait s’affiche sur un billet de banque !
Démarre alors un long travail de recherche effectué conjointement par la Reserve Bank of Australia et la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation. Elle dure 20 ans et se conclut par l’usage d’un procédé et d’une matière pour le moins originaux.
Même si le Canada et les Etats-Unis avaient, dans les années 80, réalisé quelques tests pour des billets en polymère grâce à un procédé baptisé DuraNote, c’est bel et bien l’Australie qui émettra les premiers billets en polymère de l’Histoire en 1988, à l’occasion de son bicentenaire.
A l’avers de ces billets de 10 dollars australiens commémoratifs - et à tous points de vue historiques - on trouve un dessin d’Harry Williamson représentant l’arrivée des premiers colons à bord du Supply. Au revers, afin de prendre en compte les mauvais traitements subis par les aborigènes, le dessin d’un artiste aborigène, Terry Yumbulul.
Par la suite, de nombreuses autres coupures de dollars australiens en polymère sont émises :
Une technique sophistiquée
La technique d'impression des billets en polymère nécessite plusieurs phases et le résultat est à la hauteur.
Un film polymère opaque constitue la base du billet sur lequel sont ensuite imprimées successivement plusieurs couches avec des techniques diverses reprenant les couleurs, le fond, les dessins en surimpression, les portraits, etc… Le tout incluant des procédés qui augmentent la difficulté de reproduction.
Enfin, pour la touche finale, le billet est recouvert de vernis.
Si, pour la toute première émission, le vernis pouvait se gratter, ce n’est plus le cas par la suite, la couche ayant été épaissie à dessein.
Un peu plus qu’une question de sécurité
En dehors de toute considération liée à la complexification de la tâche pour les faux-monnayeurs, le billet en polymère s’avère fort avantageux pour diverses autres raisons :
- Il est plus résistant
Il résiste même à des températures extrêmes. Des tests de laboratoire lui ont fait subir sans dommage des températures allant de -75°C à 140°C. A noter qu’a priori, à 140°, nous n’aurons plus grand besoin de billets. - Il est simple à manipuler
Et si la liasse de billets neufs a parfois la fâcheuse manie de vouloir rester collée, il vous suffit de la taper consciencieusement contre une surface dure afin de séparer les inséparables. - Il est plus propre
Vous pouvez désormais nettoyer vos billets au chiffon humide sans problème (on vous déconseille de faire ce genre de choses avec du papier monnaie). - Il est plus solide
Pour le déchirer, il va falloir y mettre beaucoup d’énergie (mais est-ce bien votre volonté ?). - Il est plus durable
Il dure au moins deux fois et demi plus longtemps que le billet à base de papier ou de coton. Il y a donc moins de séries produites. De plus, le polymère qui le constitue est ensuite recyclé et c’est reparti pour un tour sur la planche.
Tous derrière
Si l’Australie fut la première à se lancer, elle ne fut pas la dernière !
Dans les années 90, de nombreux autres pays suivent le mouvement. Notamment, entre autres, l’Indonésie, le Brunéi, le Sri-Lanka, la Malaisie, Taïwan ou encore la Roumanie.
Dans les années 2000, on ajoute à la liste des convaincus du billet plastifié un nombre exponentiel de pays - qu’on ne citera pas tous - comme le Canada, le Brésil, le Royaume-Uni, Israël, le Nicaragua, le Honduras, le Chili, le Nigéria, le Mexique, le Népal ou encore Trinidad et Tobago.
Sécurité, résistance et durabilité :
Il y a fort à parier que l’adoption du billet en polymère se poursuive au cours des prochaines années et essaime à travers de nombreux autres pays.
Bonus
Les indécis
Choisir, c’est renoncer !
Pourquoi en prendre un quand on peut avoir les deux ? De quoi parlons-nous ? D’un billet fait de papier avec une bande de polymère verticale d’une épaisseur d’environ 25 microns.
Voici donc, pour les curieux, quelques exemplaires de ces billets hybrides.
Billet hybride de 100 roubles de 2014 commémorant les Jeux Olympiques d’Hiver :
Billet hybride de 500 francs émis en 2006 par la Banque Centrale des Comores :
Billet hybride de 100 dollars des Îles Fidji, avec une Elizabeth II fort souriante à l’avers :
Billet hybride de 100 Ouguiya mauritaniens de 2011 :
Sources :
- https://museum.nbb.be/fr/resources/le-billet-une-invention-chinoise
- https://www.bar-a-voyages.com/2015/09/14/matiere-billets-banque/
- https://www.persee.fr/doc/arcpa_0000-0000_1884_num_19_1_8553_t1_0505_0000_5
- https://www.lemonde.fr/archives/article/1966/02/14/l-australie-adopte-le-systeme-decimal-pour-sa-monnaie-le-dollar-remplace-la-livre_3127967_1819218.html
- https://numismag.com/fr/2018/07/25/premier-billet-polymere-monde-10-dollars-australien-commemoratif-de-1988/
- https://www.theage.com.au/national/victoria/from-the-archives-1966-interpol-help-sought-to-break-counterfeit-ring-20211217-p59iet.html
- https://en.wikipedia.org/wiki/Francis_Greenway
- https://en.wikipedia.org/wiki/Hybrid_paper-polymer_banknote
- https://en.wikipedia.org/wiki/Polymer_banknote
- https://www.banqueducanada.ca/billets/ressources-adaptees-chaque-public-cible/grand-public/conseils-manipulation-billets-polymere/
Iconographie :
- "George Street, Sydney" par Henry Curzon Allport (1842) (State Library of New South Wales)
- Billet chinois de 5.000 cash datant de 1858
- Portrait de Francis Howard Greenway, auteur inconnu (entre 1814 et 1837) (State Library of New South Wales)